Institutions de traitement et de réinsertion dans le champ des dépendances – quels résultats et quelles complémentarités ?

CRIAD
Coordination Romande des Institutions
et organisations œuvrant dans le domaine des Addictions

Institutions de traitement et de réinsertion dans le champ des dépendances – quels résultats et quelles complémentarités ?

En 2008, la CRIAD a mandaté une équipe de rechercheurs de l’Université de Lausanne en vue de réaliser une recherche évaluative pour faire l’état des lieux de ces questions. Cela a été possible avec le soutien du Groupe Romand des chefs de l’action sociale (GRAS) et de la Conférence latine des responsables de l’action sociale et de la santé (CLASS), ainsi que de la Loterie Romande. Cette dernière vient d’être publiée après deux ans de travaux. En voici un résumé condensé de ses 164 pages (il existe aussi une synthèse de 13 pages dans le rapport).

Contexte
L’évolution de l’action collective en matière de prévention et de traitement des addictions s’inscrit dans un processus continu de renforcement et d’élargissement de l’offre publique, résidentielle et ambulatoire, de prise en charge des personnes dépendantes à une substance. Depuis la fin des années 1990, une tendance à l’affaiblissement de la place du résidentiel au sein de la prise en charge des dépendances est identifiée. Cependant, face à la prévalence de certaines situations sociales et psychopathologiques lourdes et à l’évolution des profils des personnes dépendantes de substances psychotropes, cette relativisation de la place du résidentiel pourrait avoir trouvé ses limites.

Les différents acteurs des dispositifs de traitement reconnaissent que l’addiction est un phénomène qui résulte de l’interaction de multiples facteurs. La recherche de solutions implique la concertation de plusieurs domaines complémentaires, à savoir le social, la santé, l’éducation et la sécurité. Dans cette perspective multifactorielle et interdisciplinaire, la sortie d’une situation de dépendance ne concerne pas seulement l’affranchissement de pratiques de consommation, mais aussi l’éloignement de situations socialement et individuellement problématiques. Une convergence adaptative se dessine ainsi entre les approches médicale et sociale et les secteurs ambulatoire et résidentiel posant de manière évidente la question de leur articulation. Quelles sont, dès lors, les pistes de réflexion pouvant inspirer des reconfigurations possibles de l’action collective en matière de prévention et de traitement des addictions ?

Questions de recherche
La recherche part de l’hypothèse selon laquelle une prise en charge pertinente des usagers relève d’une approche transversale, plurielle, renforçant les compétences existantes et articulant les activités des différents acteurs des réseaux socio-éducatifs et sanitaires, du secteur résidentiel et du secteur ambulatoire au sein d’un référentiel d’action partagée. Quelles sont les forces et les faiblesses de la prise en charge résidentielle ? Plus particulièrement, quels sont les effets du traitement résidentiel sur les bénéficiaires et quelles sont les opportunités qu’il offre en matière de prise en charge des usagers ? Enfin, quels sont les enjeux d’une meilleure intégration de l’offre résidentielle et de l’offre ambulatoire et comment tenir compte, le cas échéant, des héritages des référentiels et de leurs dispositifs d’action respectifs sans diluer les compétences acquises au fil du temps ? C’est sur ces questions principales que repose le travail.

Démarche de la recherche
Pour tenter de répondre à ces questions, la recherche fait recours à trois méthodes complémentaires de récolte et de traitement des données articulés au sein d’une démarche d’évaluation dite pluraliste visant à rendre compte des dispositifs d’action à travers le croisement des points de vue des acteurs concernés : une analyse documentaire, une approche quantitative à dominante statistique centrée sur les données de base existantes et une démarche qualitative fondée sur 120 entretiens approfondis auprès de l’ensemble des acteurs de l’offre résidentiel et ambulatoire ainsi que des usagers.

Principaux résultats
La recherche met en évidence qu’il n’y a pas qu’une seule manière de sortir de l’addiction ou de la gérer ni un seul type de traitement ou de lieu d’accueil possibles pour les personnes en situation de dépendance. Ce constat appelle à un décloisonnement institutionnel et à une meilleure articulation des pratiques de prise en charge. Les institutions résidentielles romandes de traitement des dépendances constituent un acteur incontournable de la redéfinition des politiques dans un champ majeur de l’action publique. Des usagers aux trajectoires de vie et aux profils sociodémographiques distincts peuvent y bénéficier de prises en charge de plus en plus différenciées dont les résultats positifs sont corroborés par plusieurs recherches concordantes. Son potentiel de développement est important. Le temps est à l’innovation adaptative.

Les auteurs sont d’avis que l’articulation entre les secteurs résidentiel et ambulatoire offre une réelle opportunité d’amélioration de la continuité des traitements au bénéfice d’une prise en charge plus efficace. Selon eux, la mise en œuvre de fonctions transversales pour garantir la cohérence d’ensemble s’impose afin d’assurer le développement de solutions intégrées qui font leurs preuves et de tirer avantage des héritages institutionnels et thérapeutiques constitués, des savoirs accumulés et des prestations existantes.

Pistes de réflexion
Face à une problématique collective majeure, l’étude relève que les cantons doivent se donner les moyens d’offrir des traitements adéquats, quelle que soient la situation et les trajectoires des usagers présentant un comportant addictif. Le rapport dresse quelques pistes de réflexion organisées autour de plusieurs axes principaux :

  • La redéfinition commune des objectifs à atteindre par les différents acteurs de l’offre, du concept de prise en charge, des prestations à mettre en œuvre, des groupes cibles, des partenaires du réseau de traitement et de prévention des addictions ;
  • La recomposition et l’ajustement des prestations de l’offre résidentielle et sa reconnaissance en matière de traitement des personnes souffrant de problèmes d’addiction ;
  • L’organisation d’interfaces appropriées entre le secteur résidentiel et ambulatoire permettant de les considérer comme des chaînes complémentaires d’un système cohérent de traitements ;
  • La formalisation de procédures d’indication et de collaboration permettant d’assurer une continuité des soins, le respect d’un projet thérapeutique partagé, la transparence au niveau de la prise en charge ;
  • Le développement de la formation et l’information en matière d’offre intégrée afin de capitaliser les bonnes pratiques et diffuser les acquis de connaissance.

La CRIAD apprécie la qualité et la richesse de cette analyse, qui a aussi été validée par le GRAS. La CRIAD souhaite prolonger cette étude par une activation des divers réseaux concernés. Une promotion de cette recherche dans les réseaux professionnels et de presse spécialisée est envisagée, ainsi qu’auprès des autorités intercantonales et fédérales afin d’alimenter le débat et développer la collaboration dans le secteur de l’aide aux personnes dépendantes.

Renseignements : Jean-Daniel Barman, Ligue Valaisanne contre les Toxicomanies, 027 329 89 00 ; Thierry Chollet, Fondation Vaudoise contre l’Alcoolisme, 021 648 78 21 ; Hervé Durgnat, Association Argos (Genève) 022 809 62 62 ; Bertrand Nussbaumer, Fondation Goéland (Neuchâtel), 032 843 02 43 ; François Vallat, Fondation Le Tremplin (Fribourg) 026 347 32 32.

Morges, le 7 décembre 2010 / pr

Annexes :
document complet (164 pages)
synthèse en français (17 pages)
synthèse en allemand (14 pages)